Évolution majeure dans le domaine des études d’astronomie de position, le cercle méridien apparaît, dans sa forme première, au début du XVIIIe siècle. Le cercle méridien naît du désir d’améliorer la précision des instruments d’astrométrie déjà existant. Dès le XVIIe siècle, sextants et autres quarts de cercles sont dotés de lunettes optiques pour l’observation et la définition de la position, cependant, l’ajout d’accessoires d’horlogerie modifie les usages. Ainsi dès la deuxième moitié du XVIIe siècle, des astronomes français, associent des horloges à balancier qui battent la seconde à leurs instruments d’observation optique. Le Cercle Méridien, instrument fixe permettant, comme son nom l’indique, des observations sur le plan méridien (c’est à dire, sur le plan aligné sur l’axe Nord-Sud), conserve sa forme quasi-définitive dans la Rota Meridiana d’Ole Rømer.
Le double objectif de précision et de stabilité est déjà au coeur de la conception de l’instrument de Rømer : pour éviter tout contact avec l’observateur, la lunette est manipulée par un levier ; pour éviter les perturbations de l’environnement, la lunette et son cercle, muni de microscopes reposent sur des piliers massifs.
L’association d’une lunette à une horloge de précision permet de disposer en même temps de deux mesures fondamentales en astronomie de position :
- la déclinaison (~la hauteur de l’astre dans le ciel sur le plan méridien)
- l’heure précise du passage de l’astre dans le plan.
L’association durable d’un cercle à une lunette méridienne ne se fait cependant qu’à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. Un premier cercle est installé à l’Observatoire de Pulkovo, près de Saint-Pétersbourg, en 1834, puis un autre à l’Observatoire de Greenwich en 1850. Les observatoires français se dotent ensuite peu à peu tous de cet instrument des passages : Paris (en 1863 et un autre en 1877), Marseille (en 1878), Lyon (en 1879), Hendaye (en 1880), Strasbourg (en 1880), Bordeaux (en 1881), Besançon (en 1885), Nice (en 1887), Alger (en 1888) et Toulouse (en 1890). Les installations successives traduisent la double tension de rivalité en termes de capacité d’astrométrie et de besoin de coopération dans les entreprises plus vastes comme les catalogages d’astres, par exemple. Les constructeurs français qui ont la charge de la construction et du suivi mécanique des cercles sont au nombre de quatre : Secrétan, Eichens, Gautier et Brunner frères, le plus souvent au sein d’un même atelier.
Les cercles participent à des programmes variés : élaboration et révisions de catalogues d’étoiles fondamentales (dont le Catalogue de Lalande), observations de corps célestes, tels que des planètes de plus ou moins grandes importances, calculs pour les Services de l’Heure ou encore observations pour la réalisation de la Carte du Ciel, ouvrage ambitieux établi entre le XIXe et le XXe siècle. Les cercles méridiens et leurs accessoires se modernisent au fil du temps, au gré des exigences scientifiques des époques qu’ils traversent ou des programmes d’observation qui demandent l’uniformisation des performances des instruments. Leur fonctionnement est bien documenté jusqu’entre les années 1930 à 1960, où les cercles voient leur utilisation décroitre puis arriver à leur terme. Le dernier en activité, celui de Bordeaux, connaît une modernisation jusque dans les années 1980 1980 pour participer, notamment, à des programmes d’études spatiales, tel que le projet HIPPARCOS (High PARallax Collecting Satellite). Le cercle méridien de Bordeaux a ainsi été appareillé d’un système de guidage automatisé pour rivaliser avec les instruments d’astrométrie modernes.
Une valorisation d’un corpus éclaté.
Qu’ils aient une activité récente reconnue, qu’ils soient actuellement exposés dans un musée pour leur rôle dans le développement de l’astronomie contemporaine, ou simplement laissé en l’état, les cercles témoignent d’une époque de collaboration intense entre les observatoires français et étrangers pour des avancées scientifiques communes. Ceux qui nous intéressent ne sont pas tous facilement accessibles au public, et leur immobilité, qui conditionne la précision recherchée de l’instrument, nuit à leur regroupement éventuel (qui poserait d’autres questions de lisibilité de l’instrument en dehors de son environnement d’usage) pour des recherches ou une valorisation d’ensemble. Les cercles méridiens du cas d’étude proposent un défi dans la création d’un corpus de données qui documente à la fois les dimensions technique et scientifique sur plusieurs décennies, mais également une époque d’échanges de forte communication entre acteurs et leurs travaux. Pour appréhender dans sa globalité les enjeux de l’utilisation de ces instruments, les sources sont diverses, dispersées et se composent tout autant de publications anciennes, que de schémas d’outil, de correspondance, de photographies…
Ce défi permet de mettre à l’épreuve l’outil ANR ReSeed dans une démarche de valorisation globale encore jamais effectuée, par le recoupement de données éclatées, réunies pour faciliter la recherche et la valorisation de ces objets de patrimoine si particuliers. Le projet de l’ANR ReSeed permettrait pour la première fois de réunir ce corpus de données hétérogènes dans un même outil avec comme support des numérisations 3D pour une meilleure compréhension de ces instruments. Les instruments et leurs abris font aujourd’hui l’objet de procédures d’inventaire et de protections patrimoniales, mais l’objectif de l’ANR ReSeed est de pouvoir aller au delà en collectant les informations, les données brutes et données de modélisations numériques en un même endroit pour concevoir ce corpus non pas comme un regroupement d’instruments semblables, mais comme une réelle série d’outils réalisés pour des objectifs communs par des acteurs variés. La production finale se veut démonstrative des liens évidents entre chaque cercle, et de leur part d’homogénéité.
Méthodologie d’un regroupement de données hétérogènes.
La méthodologie s’articule sur deux axes : une campagne de numérisation débutée en 2018 pour la récolte de données physiques de chaque cercle grâce au concours du Laboratoire des Sciences du Numérique de l’École Centrale de Nantes et une campagne de recherche en partenariat avec le Service de l’Inventaire du Ministère de la Culture et le Centre François Viète équipe d’accueil en épistémologie, histoire des sciences et des techniques de l’Université de Nantes. La totalité des données recueillie seront accessibles. Les campagnes de numérisations permettront à terme de disposer de la géométrie de l’état actuel des 7 cercles méridiens modélisés, de la documentation associée et indexée, et les recherches encore en cours y ajouteront les données brutes d’archives, pour faciliter la comparaison entre instruments et leur analyse, aujourd’hui compliquée à réaliser et à valoriser.
Résultats scientifiques : ReSeed Shelf
Les documents d’archives capitalisés sont accessibles sur le Shelf ReSeed-Documentation : https://shelf-reseed.ls2n.fr/omekas/s/reseed-documentation/item-set/139